Ces moments qui nous font bouger
Cet article est la traduction française avec la permission de l’auteur d’un article de Nick Udall.
Il est tout simplement stupide de penser que nous pouvons continuer à travailler plus fort et plus longtemps, et nous attendre à ce que nos collaborateurs fassent de même. Un nombre croissant de personnes travaillent déjà à toute heure de la journée, la plupart des week-ends et pendant leurs vacances. C’est bien sûr un moyen intenable sur le long terme d’augmenter la productivité.
Malheureusement, nous nous retrouvons pris au piège de ces cultures de la « performance » qui nous poussent sans relâche, de manière obsessionnelle et souvent malsaine vers des niveaux de rendement sans cesse croissants.
Ces cultures ne donnent pas les moyens d’atteindre ces performances maximales. Au lieu de cela, elles poussent souvent à passer à l’action, à démarrer projet après projet sans prendre le temps d’y réfléchir en détail ou de faire le lien avec d’autres projets. C’est particulièrement manifeste dans les organisations qui sont agitées par des vagues d’initiatives et de projets qui prennent tous énormément de temps précieux. L’adoption d’une stratégie intégrée qui concentre à la fois l’attention et synchronise les efforts ne semble pas entrer en ligne de compte.
Il en résulte que les collaborateurs sont sur-occupés et font souvent les mauvaises choses. Et, lorsque les choses ne fonctionnent pas, on lance encore plus de projets pour les rectifier ou recommencer. Cette énergie de type « pousser, pousser, pousser », en parallèle avec la pression associée à la performance à tout prix, crée des cultures où l’occupation est confondue avec la productivité. Être occupé devient alors la manière dont les gens justifient leur propre existence et soulignent leur importance.
Lorsque les organisations essaient ensuite d’améliorer leurs performances en se concentrant sur « l’individu », cela tue non seulement tout sens de la responsabilité collective, mais favorise aussi une culture qui encourage (et récompense) chacun à exécuter sa « partie », même si ce n’est pas la bonne ou si elle n’a aucune chance de se raccorder utilement à la « partie » de quelqu’un d’autre !
Malheureusement, ces cultures deviennent de plus en plus courantes et toutes au nom de hautes performances, ou en réalité de pseudo hautes performances.
En bref, le travail et notre façon de travailler deviennent de plus en plus fragmentés et déconnectés. Cette séparation crée une concurrence malsaine (pour les ressources, l’attention, la récompense) et conduit à une action incohérente, réduisant ainsi la productivité globale, sapant la créativité personnelle et collective et sabotant l’innovation organisationnelle.
Les autres symptômes de ces cultures comprennent : une tendance à se cacher derrière des milliers de diapositives PowerPoint ; la peur de partager le travail en cours et d’être challengé ; un sentiment qu’il est dangereux de parler, de donner et de recevoir des commentaires francs ; et une approche décousue de la prise de décision qui génère des conséquences négatives et imprévues. Ensuite, ces cultures se demandent pourquoi elles ne sont pas des pouponnières d’innovation…
Des moments qui nous font bouger
L’ironie ultime est de constater comment cette recherche de la haute performance réduit toute chance d’atteindre justement une performance maximale et de libérer de nouveaux niveaux de productivité et de créativité.
La performance maximale ne consiste pas à pousser sans relâche. Il s’agit plutôt d’optimiser les conditions d’une avancée – ces moments sublimes qui changent irrémédiablement nos schémas de pensée, nous font avancer, nous lient collectivement et libèrent l’énergie nécessaire pour créer un nouvel élan – puis, de savoir récupérer avant de recommencer.
Se connecter et mettre en place le « moment » sont des compétences essentielles des cultures organisationnelles avancées. En effet, lorsqu’une performance maximale est atteinte, le moment est toujours rempli à la fois de puissance et de danger.
Dans ces cultures, les individus et les équipes ont affiné leur façon de travailler et d’interagir dans le moment présent. Ils savent que lorsqu’ils approfondissent leur écoute, utilisent leur voix, donnent des réactions franches, dévoilent, apprécient les autres, valorisent les différences, découvrent l’inconnu, observent les tendances et perçoivent les fragiles lueurs de la nouveauté – alors, ils créent des moments qui nous transportent et nous transforment. Nous changeons alors notre manière d’entrevoir le changement, et nous pouvons alors enfin progresser.
Ces compétences, ou plus précisément ces micro-compétences, sont également essentielles aux organisations qui se sont libérées des mentalités de silo et des matrices complexes et qui ont adopté des approches plus écosystémiques du travail et de l’innovation.
Car le leadership dans ces nouvelles formes d’organisation consiste à travailler à une intersection créative, là où il n’existe pas de pouvoir hiérarchique sur lequel s’appuyer. Tout ce que vous possédez alors, c’est votre capacité à rester serein, à savoir qui vous êtes et à être pleinement présent.
Être dans le moment, d’un instant à l’autre est vraiment difficile. Cela nécessite de la concentration, des compétences, de la discipline et des efforts. Cela exige également que nous travaillions avec congruence, authenticité et discipline afin de pouvoir gérer notre énergie et celle des autres. Et chacun à notre tour, être en mesure de faire face à l’incertitude et à s’aventurer dans l’inconnu.
Bien sûr, il est plus facile de penser à ce qui va suivre ou à ce qui a précédé. Il est plus facile d’éviter les conversations difficiles. Il est plus facile de cacher nos vulnérabilités. Il est plus facile de se retenir et de ne pas dire quelque chose. Il est plus facile de s’accrocher à ce que nous savons déjà. Il est plus facile d’être occupé à faire ce que nous avons toujours fait auparavant.
Mais les coûts associés à ces choix faciles et à renoncer au travail « dans le moment » sont énormes.
Par exemple, dans un contexte organisationnel, les cultures deviennent rapidement égocentriques – avec la concurrence interne, la non-collaboration et la norme. Les interactions deviennent transactionnelles et les relations factices et inauthentiques. Les réunions ne sont plus qu’un ping-pong d’opinions et de conversations circulaires. Et le travail devient ardu et consomme le temps de tous.
Pour finir, la fréquence à laquelle nous opérons diminue et le « bourdonnement » des performances maximales et du travail utile s’éloigne. Nous en venons alors à accepter la médiocratie comme la norme, car nous sommes incapables de voir les choses autrement.
Exploiter le pouvoir du moment
Le secret pour se libérer est d’apprendre à travailler plus efficacement dans l’instant présent. Si nous ne pouvons pas travailler plus dur ou plus longtemps, nous devons apprendre à travailler différemment. Et, si nous voulons construire des cultures plus stratégiques, collaboratives, authentiques, élégantes et riches en temps, nous devons être en mesure de mieux exploiter le pouvoir du moment présent.
Pour ce faire, nous devons introduire et intégrer des micro-compétences au sein de nos organisations, qui nous ouvrent en permanence de nouvelles possibilités, nouent des relations créatives avec les autres, nous maintiennent suffisamment longtemps dans l’inconnu pour permettre l’émergence de nouvelles idées et finalement catalysent de nouveaux modèles de pensée collective qui nous conduisent à de nouveaux schémas d’action collective et élégante.
Les micro-compétences sont magnifiquement simples et pratiques. Mais elles prennent aussi toute une vie à être maîtrisées. Lorsque les micro-compétences sont utilisées avec la bonne intention, avec énergie et compétences, et en combinaisons multiples et créatives, elles peuvent considérablement augmenter la fréquence des moments décisifs qui nous émeuvent et qui amènent des performances optimales. Lorsque nous adaptons ces micro-compétences à l’ensemble de l’organisation, elles permettent de passer de cultures égoïstes à ambitieuses, de cultures transactionnelles à relationnelles, de cultures défensives à créatives et de cultures fragmentées à intégrantes.
C’est un des moyens les plus efficaces de porter une culture à de nouveaux niveaux de productivité et de performance.
Benoit Demoulin, consultant en développement organisationnel chez Habilis Conseil, formé par NowHere en gestion du changement et à ses micro-compétences.
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